Projet Editorial

Projet éditorial

Cette nouvelle revue répond à une nécessité du temps. Depuis quelques décennies, l’édition des revues freudiennes tente de suivre les vicissitudes des associations psychanalytiques, voire de s’en affranchir. Le caractère exponentiel des publications périodiques a passé le seuil au-delà duquel la diversité devient dispersion pour une communauté de travail.

Que ce nom – Le Mouvement psychanalytique – fasse lien avec celui que les premiers psychanalystes avaient donné à une revue qui disparut au début du désastre mondial, n’est pas la moindre raison pour le revendiquer. Les cadres politiques contemporains, avec en particulier les bouleversements dans les pays de l’Est, ont permis de dessiner une carte géographique de la psychanalyse qui ressemble à celle d’avant la deuxième guerre mondiale. Mais au-delà de ces raisons historiques, le Mouvement psychanalytique est aussi le nom possible d’une fiction – la communauté psychanalytique – plus que jamais nécessaire pour la psychanalyse à l’ère du Web.

L’édition des revues freudiennes est entrée dans l’ère électronique et d’Internet. Notre politique éditoriale s’inscrit, nécessairement, dans le contexte de l’extension de l’offre électronique, tant des publications psychanalytiques que des bibliothèques. Si le projet d’une édition électronique, en complément de la revue papier, est à l’étude, priorité est donnée à la recherche scientifique.

Constituer un espace-temps pour le travail de la pensée a, cependant, des contraintes différentes de celles qui président à la constitution d’un fonds documentaire électronique. Le facteur nombre, crucial pour les conditions de lecture, oblige à faire des choix. Le critère directeur de ces choix sera la représentativité du mouvement psychanalytique comme tel, à contre-pente du courant « psy » contemporain indifférencié. Nous ne sous-estimons pas la difficulté actuelle à qualifier une revue de « freudienne ». Nous partons de cette difficulté même, plutôt que de son évitement.

Le travail de recherche et d’élaboration de M. PsA est basé sur l’histoire de la communauté psychanalytique que les psychanalystes écrivent eux-mêmes. Une préoccupation constante en oriente la construction :
– le séparer de l’« Historical fiction » comme l’appelait Robert Waelder, en 1963 déjà, c’est à dire d’une accumulation, sans cesse renouvelée, d’inexactitudes, de déformations, d’idées reçues,
– le tenir à l’écart de la politisation de l’esprit, avec sa tyrannie de la simplification et son déni de la réalité psychique,
– le différencier de l’historisation de la psychanalyse. Bien sûr, il y a une histoire d’archives de la psychanalyse mais, avec sa primauté du chronologique, qui conforte une croyance au progrès, elle reste étrangère à la temporalité de la pensée psychanalytique.
– rétablir la pensée critique.

Ce travail est réalisé dans un souci d’impassibilité afin que l’activité de pensée n’y soit pas retenue par les contraintes de clivage, de fragmentation qu’imposent les groupes. Elle n’est pas, pour autant, tenue au cynisme.

Ces dernières décennies, des flots de littérature se sont déversés sur la communauté historique autour de Freud. Que n’a-t-on écrit sur Freud, sur ses élèves, dans une véritable traque, jusqu’à ce qu’il ne reste du caractère unique de cette expérience bouleversante qu’un inconscient expliqué à mort.

Notre dépendance de ceux qui initient du mouvement dans la pensée est inévitable. Il arrive qu’elle se réduise aux retombées d’éclats de l’idéal. Mais nous savons que cette brillance est éphémère. Ce qui ne l’est pas, c’est que, génération après génération, la communauté des psychanalystes s’efforce de contenir les conflits à haute tension que ce mouvement entraîne, conflits entre la recherche amoureuse de la vérité, le souci de protéger la psychanalyse – nom de la science fondée par Freud – et le désir de ne pas comprendre jusqu’au désaveu, jusqu’à la défiance de l’activité de pensée et la haine avec son parler-parler de la psychanalyse jusqu’à son rabaissement au sens commun.

C’est le mouvement dans la pensée psychanalytique qui est soutenu dans et par cette revue.

Jacquelyne P. Colombier
8 janvier 2001

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